En France, il reste une personnalité relativement inconnue ; mais aux États-Unis, Dr Phil est une star. L’ancien acolyte d’Oprah Winfrey dans les années 1990, qui a par la suite obtenu sa propre émission de télévision pendant vingt ans, est aujourd’hui un soutien de taille du président Donald Trump. Et met sa notoriété et ses réseaux au service de la politique gouvernementale.

Phil McGraw, de son vrai nom, est titulaire d’un doctorat en psychologie clinique depuis 1979. Après à peine quelques années de carrière, cependant, la fibre entrepreneuriale du natif de l’Oklahoma apparaît. En 1985, son père et lui s’associent à Thelma Box, une femme d’affaires texane, pour animer des séminaires d’entreprise.

À LIRE AUSSI À Doha, le fils Trump en VRP du capitalisme décomplexéL’entreprise, nommée Pathways, consiste, selon son site Web, à organiser des formations pour sauver les mariages, réduire la consommation de drogue ou d’alcool, améliorer les relations familiales ou encore augmenter l’estime de soi. En 1991, il vend sa part dans l’entreprise pour quelques centaines de milliers de dollars. Sa prochaine boîte, un cabinet de conseil, va changer sa vie.

Sa propre émission en 2002

En 1995, Oprah Winfrey fait appel à ses services pour le procès du bœuf d’Amarillo, dans le cadre d’une loi texane contre la diffamation alimentaire ; l’animatrice du Oprah Winfrey Show avait alors été poursuivie par des éleveurs pour avoir suggéré que la maladie de la vache folle pourrait atteindre les États-Unis.

Cette dernière l’emporte dans cette affaire et pour remercier Phil McGraw, l’invite dans son émission. Son intervention rencontre un tel succès qu’il devient un habitué du plateau, chaque mardi, à partir de février 1998, en tant qu’expert en relations et en stratégies de vie. C’est là que Phil McGraw va devenir le personnage qu’il reste encore aujourd’hui : Dr Phil.

À LIRE AUSSI Gavin Newson, le gouverneur qui tient tête à Donald TrumpTrès vite, cette présence simplement hebdomadaire ne suffit pas à cette nouvelle star du petit écran. En 2002, il obtient sa propre émission de télévision quotidienne, Dr Phil. L’émission se fait avec l’adoubement d’Oprah Winfrey, qui la produit via sa société Harpo Productions. Le néoanimateur poursuit alors ce qu’il fait depuis déjà plusieurs années : des conseils sur la vie, le couple, les relations, les addictions.

Des pratiques controversées

Ces émissions accueillent parfois des histoires hautes en couleur. Une adolescente se prétend enceinte de l’enfant Jésus. Une autre est encouragée par sa mère à se faire poser des implants mammaires. Une femme y défend les violences conjugales. Une autre prétend avoir un cancer pour pouvoir gagner de l’argent avec de fausses collectes de fonds.

En l’espace de quelques années, nombre d’histoires fascinent le public et installent Dr Phil comme une émission incontournable. Elle devient l’une des plus suivies de la télévision américaine, totalisant près de sept millions de téléspectateurs en 2007. À l’époque, le seul talk-show plus populaire est celui de son mentor, Oprah Winfrey.

À LIRE AUSSI Qui sont les Miller, le couple tiraillé par le divorce entre Musk et Trump ? La notoriété de Phil McGraw, elle aussi, grandit. En 2007, il est trentième au classement Forbes Celebrity 100, qui classe les personnalités les plus influentes du monde du divertissement. Bien entendu, Dr Phil n’échappe pas à la controverse. Des pratiques contraires à l’éthique médicale, de la publicité mensongère, des accusations de fraude, de provocation intentionnelle de détresse émotive soumettent l’animateur au feu nourri des critiques, notamment de ses confrères psychothérapeutes.

Soutien à Trump, rébellion contre Harris ?

Il est par exemple accusé d’avoir exploité la détresse mentale de l’actrice Shelley Duvall (connue pour son rôle dans Shining de Stanley Kubrick) à des fins d’audience. Mais son émission tiendra bon pendant plus de vingt ans. Après 3 500 épisodes à son actif, il en annoncera la fin en février 2023, se félicitant d’avoir aidé « des milliers d’invités et des millions de téléspectateurs à composer avec des problèmes liés à la toxicomanie, au mariage, à la santé mentale et à l’éducation des enfants ».

À 72 ans, il prévient alors qu’il lui reste « beaucoup de choses à accomplir ». Cela passera par la création d’une chaîne de télévision : Merit TV. Et après avoir revendiqué son apolitisme pendant des années, Dr Phil finit par prendre fait et cause pour Donald Trump, avec qui il s’entretient en août 2024. Il se rendra et s’exprimera à son meeting au Madison Square Garden, en octobre de la même année… Dans un acte de rébellion contre Kamala Harris, qui n’a pas accepté qu’il intervienne dans son meeting, prétend-il alors.

À LIRE AUSSI L’Insurrection Act, arme ultime de Donald Trump contre les émeutes de Los Angeles ? Il n’empêche : il estime que les partisans de Donald Trump sont « intimidés, marginalisés, exclus, voire licenciés ou boycottés ». « Lorsqu’on attaque un citoyen et qu’on utilise le pouvoir d’Internet, qu’on utilise la mentalité de la foule, qu’on incite les gens à se liguer et à boycotter, c’est vraiment répugnant », a-t-il déclaré. « Et c’est ce qui se passe actuellement dans ce pays, et c’est inacceptable. »

Présent à Los Angeles

« Ce pays a été bâti sur le travail acharné, la valeur ajoutée et le talent… et non sur l’égalité des chances », explique-t-il par la même occasion. Un soutien tacite, qui va finir par devenir beaucoup plus clair après le début du second mandat de Donald Trump. Comme l’expliquent de nombreux médias américains, comme CNN, Phil McGraw est apparu lors des récentes manifestations qui ont émaillé Los Angeles, après une opération de répression de l’immigration.

La personnalité de télévision a ainsi été aperçue avec son équipe de tournage, avant et après les raids des agents de l’immigration. « Pour avoir un aperçu direct des opérations ciblées », est-il justifié. Dr Phil obtient également un entretien exclusif avec Tom Homan, le responsable des frontières, la veille et le lendemain des opérations.

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« Afin d’éviter toute escalade, le Dr Phil McGraw n’a pas participé aux raids de Los Angeles et n’y a pas été intégré », a cependant précisé le porte-parole de la chaîne. Son expérience a donné lieu à une vidéo devenue virale en janvier, à Chicago, dans laquelle le Dr Phil aborde un détenu et lui pose des questions telles que : « Vous n’avez jamais été expulsé ? »

« Vous êtes le Dr Phil », répondit l’homme, surpris. « Je vous ai vu dans Dr Phil, vous savez ? À la télé. » Sa célébrité le poursuit. Et pour l’administration de Donald Trump, qui espère bien attirer l’attention de la télévision et d’Internet sur les activités de contrôle de l’immigration, elle va très clairement constituer un atout dans les prochaines semaines. Dans un Los Angeles où l’Amérique, comme l’opinion, pourrait basculer.